Gustavo Beytelmann & Philippe Cohen Solal

The Human Seasons
Sortie le 4 février 2022
Label: Ya Basta!
« The Human Seasons » est un album d’improvisation musicale et sonore entre le pianiste argentin Gustavo Beytelmann et le DJ producer Philippe Cohen Solal. Titre d’un célèbre poème de John Keats et métaphore des quatre saisons de notre existence, il est question aussi de la vie que nous improvisons au jour le jour.

Ici l’acoustique et l’électronique dialoguent dans un ping-pong musical inédit. Les 2 musiciens se croisent au fil des saisons humaines, entre « field recording « et « spoken word », pour délivrer une performance instrumentale tantôt sereine tantôt puissante.
La panne informatique est la hantise des musiciens de l'univers électronique. De l'une d'elles, survenue un soir d'été de 2006 lors d'un concert de Gotan Project, est né un des disques les plus singuliers et novateurs du paysage musical actuel : The Human Seasons, un exercice d'improvisations entre le piano de Gustavo Beytelmann et la palette de sons du DJ producteur Philippe Cohen Solal.

Tous deux étaient sur scène ce soir-là, à Caserte, près de Naples, au Belvédère de San Leucio, un palais où fut menée au XVIIIe siècle une expérience pionnière de socialisme utopique. Quand le son s'est arrêté, « c'était la panique », se souvient Gustavo Beytelmann, le pianiste argentin lié, en studio comme sur scène, au groupe de tango-electro-dub. Un mot célèbre de Jean Cocteau résume la situation : « Puisque ces mystères nous dépassent, feignons d'en être les organisateurs». Gustavo rejoint son piano et, en attendant le dépannage, se lance dans une improvisation. Philippe Cohen Solal, aux platines, reprend la balle au bond et ajoute des sons, au feeling.

Les ordinateurs retrouvent enfin leurs esprits et le programme reprend. Les musiciens respirent, ils l'ont échappé belle. Et le public n'a rien su de l'incident: il a perçu l'intermède comme partie du spectacle.

«C'était inattendu et assez magique, dit aujourd'hui Philippe. Et nous avons eu l'intuition qu'on pouvait aller plus loin sur ce chemin ».  Gotan Project reprendra d'ailleurs, de temps à autre, en concert, le principe de la double impro piano-platines.

Plus de dix ans passent. Un matin, Philippe Cohen Solal écoute sur France Culture Les Chemins de la Philosophie. L'émission d'Adèle Van Reeth est consacrée à l'improvisation. Les souvenirs de Caserte reviennent. Et avec eux l'envie de rejouer, dans les mêmes conditions, mais en studio. Juillet 2021, les deux complices se retrouvent à Villetaneuse, près de Paris, dans l'ancien studio Vogue.

« Toute improvisation implique une mise en danger, explique le producteur. Pour partir tout de même sur une base stable, j'ai pensé au cycle des saisons, et à ce poème de John Keats qui les associe à la vie humaine. C'est un thème classique, presque banal, mais qui me semblait pertinent avec notre projet: nous improvisons tous notre vie ».

Avant de se lancer dans l'aventure, Philippe Cohen Solal choisit des sons de la nature, des chants d'oiseaux, des extraits de dialogues de films. Et demande au comédien anglais Christopher Ettridge d'enregistrer The Human Seasons, le bref poème de John Keats. Qui n'a pas connu beaucoup de saisons : il est mort jeune, de tuberculose, il y a juste 200 ans.

« Nous n'avons pas théorisé avant d'entrer en studio, affirme Gustavo Beytelmann, le vieux sage argentin, Parisien d'adoption depuis 1978. Nous sommes partis sans feuille de route fixée au préalable. Les 45 minutes du disque sont exemptes de rhétorique pianistique. Et de virtuosité aussi : ce projet ne nécessitait pas de montrer ses muscles ». Philippe Cohen-Solal ajoute: « La seule indication que j'ai donnée à Gustavo, c'était de penser aux saisons en écho à son expérience, à ses souvenirs ».

Si la connivence entre les deux musiciens est née dans Gotan Project, la musique de Buenos Aires est absente de The Human Seasons. « Ce n'était pas dans le cahier des charges, note Philippe. Pas plus que le jazz, un autre univers familier à Gustavo. Ni lui ni moi n'avons rien recyclé, nous sommes sortis des registres pour lesquels on nous connait ».

Le Printemps ouvre le cycle avec des chants d'oiseaux, le piano prend son envol associé à la musicalité des vers de Keats, avant que les violons, sous la forme d'un sample, n'interviennent, écho d'un bal dont le souvenir ressurgit à l'improviste. L'été évoque la latinité : c'est une habanera qui dérive en dansant vers Cuba, rythmée par ce qu'on jurerait être un güiro, cette calebasse des Caraïbes striée et grattée avec une baguette. Erreur, dévoile Philippe Cohen Solal : c'est encore un chant d'oiseau, fondu à la stridulation d'un grillon. Sensualité d'un dialogue en italien, rumeur des vagues, la percussion d'un pivert sur un tronc d'arbre : décidément, les volatiles ont la part belle. L'automne arrive avec la pluie, chaque goutte comme une note de piano. Une femme nous parle dans une langue inconnue : c'est la voix suédoise d'Ingrid Bergman dans Sonate d'Automned'Ingmar Bergman. L'hiver survient avec sa rigueur, le souffle du vent glacé, puis une atmosphère en apesanteur et le feu qui crépite dans la cheminée. Dernier vers de Keats, que les Anglais appellent « le poète de la lenteur et du silence ». Il est mort en hiver.

Il faut un moment pour émerger de cette méditation sur la vie, ses plaisirs et ses peines. L'harmonie qui se dégage de l'ensemble ne renvoie pas à l'idée d'improvisation la plus communément admise. On est loin des jam sessions des jazzmen, à l'énergie brute. The Human Seasons est à l'opposé, porté par une énergie sereine, sans dissonances. Gustavo Beytelmann le revendique : « Je suis entré en studio avec l'idée qu'il était interdit d'être non-mélodieux, car nous vivons à l'intérieur d'un monde qui chante ».
Four Seasons fill the measure of the year;

    There are four seasons in the mind of man:

He has his lusty Spring, when fancy clear

    Takes in all beauty with an easy span:

He has his Summer, when luxuriously

    Spring's honied cud of youthful thought he loves

To ruminate, and by such dreaming high

    Is nearest unto heaven: quiet coves

His soul has in its Autumn, when his wings

    He furleth close; contented so to look

On mists in idleness—to let fair things

    Pass by unheeded as a threshold brook.

He has his Winter too of pale misfeature,

Or else he would forego his mortal nature.

John Keats (1795-1821)
Piano : Gustavo Beytelmann

Electronics : Philippe Cohen Solal

Recorded on July 6th 2021 by Léo Aubry @ Midilive Studios, Villetanneuse

« The Human Seasons » by John Keats is read by Christopher Ettridge.

Sound recording by Peter Faulkner @ Faulkner Studios

Additional beats by Babylotion

Editing by César Depouilly @ Substudioz, Paris

Mix by Marc Damblé & César Depouilly @ Substudioz, Paris

Mastering by Chab @ Chab Mastering, Paris

Produced by Philippe Cohen Solal

Composed by Gustavo Beytelmann & Philippe Cohen Solal

Published by Science & Mélodie

Thanks to Bastien, César, Chris, Gaspard, Marc, Prisca, Sally.

Special thanks to Adèle Van Reeth and « Les Chemins de la Philosophie » team for the inspiration.

Photo : Gustave Deschamps

Artwork : Thibault Geffroy
GUSTAVO BEYTELMANN :

Gustavo Beytelmann, pianiste et compositeur, est une figure majeure du tango argentin. Sa carrière, en tant que musicien et compositeur, est une somme de pages brillantes. Il a travaillé avec Astor Piazzolla, Juan José Mosalini, il a accompagné dans plusieurs tournées le groupe Gotan Project, et, encore très jeune, il fut choisit pour accompagner la tournée argentine de Duke Ellington.

G. Beytelmann a composé de pièces pour le cinéma, de nombreuses œuvres de tango, et depuis 1996 il dirige la section Tango du Conservatoire de Rotterdam, au Pays Bas.

PHILIPPE COHEN SOLAL :

Depuis plus de trois décennies maintenant, Philippe Cohen Solal a fait sa marque en tant qu’architecte de musique électronique et compositeur autodidacte, ayant travaillé dans de nombreux domaines différents de la production musicale: de A&R aux musiques de films, en passant par le DJing et la réalisation de disques. 

Il a découvert Keziah Jones et a présenté Zazie à Mercury, avant de fonder son propre label Ya Basta Records en 1996, où il signera Féloche et David Walters.
Il a co-fondé Gotan Project, un équilibre ambitieux entre musique électronique et tango. Le groupe a vendu plus de quatre millions d’exemplaires à ce jour dans le monde et a joué plus de 450 concerts de Rio à New York, Montreux et Tokyo, sans oublier certains des sites les plus prestigieux au monde. 

Philippe a également produit Talé, album de la voix dorée de l’Afrique, Salif Keita, et a collaboré avec différents artistes comme Angelique Kidjo, Keziah Jones, Horace Andy, Chassol, Adrien Brody, Roberto Fonseca, Laurent Voulzy, Camelia Jordana...
Son dernier opus OUTSIDER, inspiré par l’artiste brut américain Henry Darger a été enregistré entre Londres et L.A, avec des partenaires de choix: Mike Lindsay (Tunng), Hannah Peel et Adam Glover. 

Ce projet trans-média (court-métrage, podcasts, videos,...) a été célébré par la presse internationale et fera l’objet d’un spectacle en 2022. 
« The Human Seasons » est un album d’improvisation musicale et sonore entre le pianiste argentin Gustavo Beytelmann et le DJ producer Philippe Cohen Solal. Titre d’un célèbre poème de John Keats et métaphore des quatre saisons de notre existence, il est question aussi de la vie que nous improvisons au jour le jour.

Ici l’acoustique et l’électronique dialoguent dans un ping-pong musical inédit. Les 2 musiciens se croisent au fil des saisons humaines, entre « field recording « et « spoken word », pour délivrer une performance instrumentale tantôt sereine tantôt puissante.

Philippe Cohen Solal a commencé à collaborer avec Gustavo Beytelmann dès 1999. Le piano de Gotan Project, c’est lui. Le maestro a d’ailleurs accompagné le groupe sur sa tournée mondiale de « La Revancha del Tango », opus qui vient de fêter ses 20 ans. Un soir, en plein concert, les deux ordinateurs avec toutes les séquences rythmiques tombent en panne. But the show must go on: Gustavo et Philippe se mettent alors à improviser, dans un long moment suspendu et magique. De cet incident technique naitra une belle surprise artistique et l’intuition qu’il y a là un sillon à creuser. Il faudra attendre presque 20 ans, pour qu’ils se retrouvent, tous deux en studio, avec la ferme intention de se remettre en danger et de recréer cette magie.

Paysages sonores, mélodies pianistiques, interventions poétiques et solides rythmiques sont convoqués pour nous emmener, pendant 45 minutes d’improvisation électro et acoustique, dans un ailleurs musical inouï.